Le voisinage entre hommes, forêt et les chimpanzés : point de vue depuis le territoire des villageois, à l’extérieur du Parc National de Kibale

2015 
Les politiques de conservation, dans leur conception traditionnelle voire spirituelle d’une nature sauvage coupee et preservee du monde des hommes creent parfois des disjonctions spatiales entre les elements « naturels » et les elements anthropises. Apres le constat d’echec des politiques autoritaires de protection de la nature, plusieurs conferences internationales, en reconnaissant leurs savoirs traditionnels, ont mis l’accent sur la necessite d’associer les populations humaines a la conservation des espaces naturels et des especes sauvages. Notre objectif est d’etudier cette strategie, a travers le concept geographique de territoire, comme systeme complexe dont la dynamique resulte de boucles de retroaction qui lient un ensemble d’acteurs et l’espace geographique qu’ils utilisent, amenagent et gerent en fonction de leurs representations, passees, presentes et projetees. La zone d’etude de Sebitoli, situee a l’extremite nord du parc national de Kibale (Ouganda) est circonscrite dans une poche de foret de 25 km² ou une communaute de chimpanzes est en cours d’habituation depuis 2008 par l’equipe du Sebitoli Chimpanzee Project (SCP). Autour du territoire des chimpanzes, les territoires des hommes - dont la densite peut atteindre 335 habitants/km² - encerclent la foret. Les hommes, interdits de penetrer en foret par une legislation stricte, prelevent pourtant certaines de ses ressources. Les animaux sauvages, dont les chimpanzes, vont occasionnellement piller les ressources agricoles des hommes. Chaque espece sort donc de son territoire habituel pour s’introduire dans celui de l’autre, ce qui engendre des superpositions pouvant occasionner des conflits. Nous nous sommes interesses aux usages et pratiques de 31 villageois dans trois territoires agricoles (Sebitoli, Nyakabingo, Kihingami) entre novembre 2012 et janvier 2013. Nous avons combine des entretiens semi-directifs et des observations participantes (N = 42 villageois et agriculteurs, gestionnaires, employes des usines de the) avec des releves floristiques en lisiere de foret (N = 8 transects soit 32 releves situes entre 0 et 150 metres de part et d’autre de la lisiere de la foret – janvier a avril 2013) dans un Systeme d’Information Geographique (SIG) pour spatialiser les rapports entre les hommes que nous avons interroges et les chimpanzes que nous etudions. Ce travail permet d’identifier des lieux de rencontre entre les acteurs de notre zone d’etude (champs, bord de route, lisiere de la foret). Une ethnoecologie geographique de la rencontre entre les hommes et les chimpanzes permet de montrer la diversite des connaissances des 31 villageois que nous avons interroges et de les valoriser. La description de particularites physiques (animal sans queue, qui ressemble a l’homme) et comportementales (peur de l’homme, protection des dependants) ou de la temporalite de rencontre (la nuit, moins frequent que par le passe) temoignent de la curiosite des hommes pour les chimpanzes et permet de montrer que la frontiere entre leurs territoires est relativement poreuse. La confrontation des discours des villageois et des gestionnaires de la biodiversite degage une vision complexe de la gestion de la faune sauvage ou certaines especes peuvent etre « remarquables » ou « ordinaires » en fonction de territoires qui ne sont ni percus, ni vecus de la meme maniere par leurs differents utilisateurs. Mieux comprendre le discours de chacun fait partie d’une demarche plus ethique de la recherche scientifique.
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