Architecture du livre-univers dans la science-fiction, à travers cinq oeuvres : Noô de S. Wul, Dune de F. Herbert, La Compagnie des glaces de G.-J. Arnaud, Helliconia de B. Aldiss, Hypérion de D. Simmons

1997 
Etude d'une categorie de romans de science-fiction, qu'on appelle le livre-univers. Cinq oeuvres litteraires servent d'exemples a la theorie, avec une predilection pour Noo (1977) de Stefan Wul. LA PREMIERE PARTIE s'efforce de localiser le livre-univers dans le territoire de la science-fiction. Le livre-univers s'inscrit dans la seconde moitie du XXe siecle. Plusieurs indices editoriaux distinguent un livre-univers d'un space opera classique : par sa taille importante qui le rapproche du "roman-fleuve", par la reception critique qui le celebre comme un evenement litteraire, par son succes aupres du lectorat amateur. Le livre-univers presente un monde structure, dense et original dans ses composants, dont plusieurs lectures n'epuisent pas l'interet. Pour une premiere definition, on est parti de celle de la romance planetaire (recit dont l'element de base est une planete, Terre exceptee, et dont l'intrigue tourne autour de la nature de cet element), en l'elargissant car le livre-univers dispose d'un arriere-plan galactique, souvent de plusieurs planetes. Le livre-univers puise a de nombreuses sources : le space opera et la romance planetaire, les themes de l'histoire du futur et de l'empire galactique, la hard science. LA DEUXIEME PARTIE aborde les structures singulieres qui se dessinent sous l'histoire et les themes abordes dans le livre-univers. L'approche systemique fournit une analogie entre les caracteristiques d'un systeme et celles d'un livre-univers. Un systeme se caracterise par la totalite qu'il forme, la transformation et l'autoreglage. Le livre-univers est un tout autonome, avec des frontieres symbolisees par son eloignement dans le temps et dans l'espace du recit, ainsi que son appartenance au merveilleux qui le coupe de la realite contemporaine. Cette totalite se compose d'elements signifiants varies, qui interagissent pour former un systeme-monde. (Des exemples d'interactions sont donnes dans la these.) Ainsi, l'analogie systemique definit une veritable ecologie du livre-univers. Dans l'optique systemique, le livre-univers en tant que fiction peut sans peine etre comparee au jeu, avec lequel il possede beaucoup de points communs : des regles fixees des le depart, un espace virtuel, un deroulement politique, un gout du grossissement et de la demesure. LA TROISIEME PARTIE presente a gros traits ses "elements de construction". En partant des elements manifestes du recit (les personnages-types, le decor, le bestiaire, l'economie, la politique et la religion), l'on met en evidence un certain nombre d'interactions, tendues vers un effort de coherence du systeme-monde, une volonte de "faire monde". Les themes classiques de la science-fiction (les machines pensantes, les extraterrestres, la science) servent aussi a nourrir le systeme-monde, au prix d'une certaine denaturation, car les themes ne sont plus traites pour eux-memes. Dans la QUATRIEME PARTIE, on considere le livre-univers a la fois comme expression artistique du monde et comme interpretation de l'univers. Le livre-univers s'elabore dans le temps. Il resulte d'un long processus de maturation, qui peut passer par un travail preparatoire (notes, cartes...) souvent considerable (Noo). L'etude du style et du langage est eclairante : la dominance de la variete lexicale (registres de langue, neologismes...), le schema narratologique multilineaire ou composite, la tendance au baroque concourent a une vision qui privilegie la complexite, en meme temps qu'une apprehension multiple de la realite qui est la marque du roman moderne. Le livre-univers traduit bel et bien une Weltanschauung, meme s'il n'a pas la valeur demonstrative du roman total ; celle-ci s'efface derriere le monde fictif qui pretend vivre par lui-meme. L'interet de la creation d'un tel monde, pour le romancier, est esthetique autant (ou meme plus dans le cas de Noo ou Hyperion) qu'ideologique. Chaque livre-univers reflete le point de vue sur la realite de son auteur : Frank Herbert developpe une philosophie ecologique fondee sur l'adaptation permanente des groupes au milieu exterieur et au milieu interieur ; Brian Aldiss trahit une tendance au sociobiologisme, egalement perceptible chez Stefan Wul mais gauchie, chez ce dernier, par une poetisation du monde ; la Terre glaciaire de G.-J. Arnaud resulte d'une perception essentiellement politique. Le livre-univers n'est ni la representation exacte d'une realite, ni un pur symbole, il est un modele imagine. Enfin, le livre-univers nourrit et se nourrit de la litterature de science-fiction. Si, comme l'affirme Brian Aldiss, la SF cherche ou propose une definition de l'homme et de son statut dans le cosmos, alors le livre-univers occupe bel et bien une place privilegiee au sein de la science-fiction.
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