MOBITER : MOBILITE ET DYNAMIQUE DES TERRITOIRES RURAUX (RAPPORT FINAL PROGRAMME DE RECHERCHE )

2016 
Dans la lignee des travaux qui cherchent depuis quelques annees a renouveler le regard (jusque-la tres pessimiste) sur la durabilite des territoires de faible densite, MOBITER s’est interesse aux habitants de territoires ruraux. L’objectif etait d’une part d’enrichir les connaissances sur leurs pratiques de mobilite, encore peu etudiees, et plus precisement d’expliciter les liens entre les activites pratiquees et les territoires frequentes (autrement dit les modes d’habiter). Il s’agissait d’autre part d’en tirer des enseignements sur les marges de manoeuvre des habitants et des pouvoirs publics (politiques de transport et d’amenagement) pour faire evoluer ces mobilites dans le sens d’une moindre dependance a l’autosolisme, afin de concilier desir de ruralite des populations et developpement durable de ces territoires. Pour tenir compte de la diversite du rural, nous avons choisi d’etudier des communes polarisees par l’aire urbaine de Tours et des communes rurales plus isolees. Il s’agissait de degager des enseignements prospectifs et des elements prescriptifs en direction des politiques d’amenagement du territoire et d’organisation de la mobilite en milieu rural, qui etablissent des liens explicites avec le contexte local et le territoire environnant. Au plan methodologique, il nous a semble interessant de tester l’interet (et les limites) d’un protocole de suivi de menages par GPS, qui permet d’obtenir des elements tres fins sur la pratique des espaces geographiques, et de mener parallelement des entretiens aupres de menages afin d’expliciter les logiques sous-jacentes a l’organisation spatiale et temporelle de leurs deplacements (notamment ceux de courte portee), et d’en tirer des enseignements sur les possibilites de diminution de l’usage de la voiture (et les enjeux associes en matiere de vie quotidienne). Les resultats montrent une assez grande convergence des modes d’habiter dans le rural polarise et le rural isole, marques par une forte dependance a la voiture (et une faible pratique du covoiturage), un ancrage significatif et croissant des activites non professionnelles et des reseaux sociaux dans le territoire local, une frequentation de l’urbain quotidienne lorsque le lieu de travail s’y trouve et sinon beaucoup plus mesuree (en particulier dans le rural isole), frequentation qui s’inscrit par ailleurs principalement dans une logique de complementarite avec les amenites du territoire de residence. Ces resultats, en phase avec ceux obtenus dans d’autres recherches recentes conduites sur d’autres espaces ruraux et periurbains, contribuent a renouveler le debat sur la durabilite des espaces a faible densite, au moins du point de vue de la mobilite quotidienne des habitants. Il ne s’agit pas de nier les problemes environnementaux et aussi sociaux qu’y pose la tres forte dependance a la voiture, dependance qui de surcroit s’accentue : la derniere Enquete Nationale Transports et Deplacements (ENTD), en date de 2008, montre que par rapport au milieu des annees 90 la part modale de l’automobile a progresse dans le rural, de meme que le taux de motorisation des menages. Toutefois les resultats de MOBITER, en contribuant a expliciter les logiques de frequentation du « proche » et du « lointain », suggerent qu’un certain nombre d’actions pourraient permettre d’une part de perenniser et meme renforcer l’ancrage des activites dans le local, et d’autre part de developper le recours aux modes doux, favoriser des usages plus partages de la voiture voire encourager certains menages a abandonner la deuxieme voiture. Ces actions, complementaires, concernent autant l’amenagement des territoires ruraux, en particulier l’organisation spatiale et fonctionnelle des commerces et services du quotidien, que les politiques visant directement les pratiques de mobilite, aux echelles locale et plus large, ce qui necessite des reflexions sur la coordination des acteurs (publics et prives) et leurs perimetres d’intervention, que MOBITER n’a pas aborde. Le projet a plutot voulu montrer que ces actions doivent s’appuyer sur les 5 dynamiques en cours, en particulier la demande de « local », dans ses dimensions spatiale et sociale (ancrage dans le territoire), afin de rencontrer l’adhesion des habitants. Cette demande de local, qui concerne surtout les activites hors travail (car les logiques de localisation des emplois poussent en faveur de la concentration urbaine ou sur des zones d’activite proches des grandes infrastructures de transport), doit etre confortee par une augmentation quantitative et qualitative de l’offre de commerces et services et une organisation spatiale permettant a la fois un regroupement (pour favoriser l’optimisation des deplacements) et un acces facile et securise par les modes doux, notamment la marche et le velo (ce qui implique une politique tres ambitieuse de construction de pistes cyclables). Cette piste n’implique toutefois pas seulement l’echelle locale mais signifie aussi de repenser l’offre de commerces et services a une echelle plus large, afin d’une part de mieux organiser les complementarites et d’autre part de decourager l’usage de la voiture, ou d’en encourager des usages partages (par exemple en reservant des places de stationnement moins cheres en centre-ville ou dans des parcs-relais aux covoitureurs). Le programme MOBITER montre aussi que les trajets domicile-travail, en moyenne plus longs que les autres et aussi plus souvent realises en automobile (sans passager), constituent aussi une cible prioritaire, et ce d’autant plus qu’ils sont une motivation importante a l’achat d’une deuxieme voiture. Plusieurs pistes peuvent etre envisagees. La geographie de plus en plus multipolarisee des lieux de travail et la plus grande variabilite des horaires compliquent la tâche des autorites organisatrices de transports publics, et plaident, lorsque c’est possible, pour la mise en place de solutions tres souples (de type Bus a Haut Niveau de Service, BHNS) a destination des grandes zones d’emploi (zones d’activites, centres commerciaux, etc.) qui pour l’instant sont tres mal desservies par les transports publics (ce qui d’ailleurs commence a poser des problemes aux employeurs pour garder les salaries peu qualifies en raison des depenses automobiles induites trop importantes). Le rabattement (en voiture mais aussi en velo) vers les transports publics doit egalement etre encourage (parcs-relais, pistes cyclables). La simplification de la tarification est egalement un element important pour augmenter l’attractivite des transports publics et encourager au rabattement. Enfin le teletravail et le co-working constituent aussi des pistes pour diminuer l’usage de la voiture et la motorisation des menages ruraux, mais leur mise en place necessite des reorganisations dans les entreprises qui depassent le seul cadre des politiques de transport et d’amenagement.
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