Le choix de l’unique. Un aperçu des politiques de sélection lors des ventes du mobilier des résidences royales

2012 
La Revolution francaise est, d’un point de vue patrimonial, le moment du choix. Les vagues de nationalisation successives viennent gonfler la masse du mobilier destine a l’alienation et, en contrepoint, donnent aux revolutionnaires l’occasion de « patrimonialiser » (nous entendons, par patrimonialiser, le fait d’integrer apres selection un certain nombre des effets confisques a un corpus rendu inalienable: celui du patrimoine de la nation) un certain nombre de « monuments » finalement conserves. L’exercice de la vente, marquant ainsi la genese du « geste de choisir », s’est donc accompagne de celui du tri, de la distraction, d’autant plus delicat a saisir que les contours en sont toujours restes flous et que ses criteres n’ont jamais ete clairement definis. Au-dela donc du caractere necessairement arbitraire de ces selections (« Les œuvres d’art avaient leur tribunal revolutionnaire », disait l’historien d’art Louis Courajod), des tendances generales ont ete a l’œuvre que les soustractions operees lors des ventes des meubles des residences royales, organisees entre 1793 et 1795, permettent de restituer. Elles relativisent l’idee de distractions uniquement typologiques et mettent en exergue le principe implicite qui y a preside: ne garder que l’unique, que ce qui echappe au seriel – meme dans le champ des beaux-arts. Face a la richesse quantitative de ce mobilier, les distractions patrimoniales revolutionnaires se font inevitablement selectives; le refus de l’accumulation apparait alors comme la donnee essentielle des reflexions sur la constitution des collections nationales. On comprend aisement, a cet egard, le probleme que posaient les meubles meublants, meme d’exception: si les commissions preposees aux distractions affirmaient explicitement qu’ils avaient bien leur place dans les selections, la regle tacite qu’elles appliquaient condamnait majoritairement ces productions, issues de commandes en serie, a l’alienation. Des objets ont pourtant suscite, au cours du processus de selection, questionnements et hesitations. Une solution intermediaire put alors etre adoptee, ce qui ne justifiait pas totalement une distraction patrimoniale, qui fit neanmoins l’objet d’une selection « commerciale » soustrayant temporairement le meuble a la vente. Les cas des tables en petrification de Marie-Antoinette ou du gueridon de la du Barry se ressentent de ces inflexions et donnent un ultime eclairage sur la position des meubles a l’heure de la selection « patrimoniale », car si la singularite de certains ne faisait aucun doute, leur plus grand defaut etait d’etre non seulement multiples, mais « duplicables ».
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