Décès en lien avec la propafénone illustrant certaines difficultés d’interprétation post-mortem

2021 
Objectifs En post-mortem, l’interpretation des donnees toxicologiques est parfois compliquee par la necessite de considerations metaboliques et pharmacogenetiques. Nous l’illustrons avec un cas de deces en lien avec la propafenone. Methode Une femme de 29 ans est retrouvee decedee a son domicile, la tete dans l’eau de la baignoire laissant supposer initialement un deces par noyade. Son traitement habituel comprenait du bisoprolol et du bromazepam. Des prelevements d’humeur vitree, de sang cardiaque et d’urine sont realises pour analyses toxicologiques : recherche d’ethanol (CG-IDF), de stupefiants (CL-SM/SM) et screening toxicologique large (CL-UV et CG-SM [1] ). La quantification de la propafenone est realisee par CL-UV apres extraction alcaline suivie d’une re-extraction acide. La gamme de calibration s’etend de 0,2 a 2 mg/L. Une recherche de metabolites est egalement effectuee par CL-SMHR [2] . Resultats A l’exclusion de tout autre toxique, des derives du cannabis sont detectes dans le sang (THC 2,9 μg/L ; THC-COOH 14,6 μg/L) et l’urine (THC-COOH 107 μg/L) et de la propafenone dans le sang cardiaque (4,4 mg/L), l’humeur vitree (1,4 mg/L) et l’urine (105 mg/L). L’etude de ses metabolites montre la presence dans le sang de glucuroconjugues (29 % de la concentration de propafenone) et de 5-hydroxypropafenone (19 %), principalement. Dans l’urine, les metabolites les plus abondants sont les derives glucuroconjugues. Conclusion La propafenone est un anti-arythmique qui, a doses therapeutiques, possede des effets betabloquants moderes et inotropes negatifs : generalement, des concentrations sanguines superieures a 1,1 mg/L sont considerees comme toxiques et les concentrations sanguines dans les cas letaux documentes sont superieures a 2 mg/L [3] . Ici, la concentration sanguine de propafenone peut etre associee a la survenue d’effets toxiques potentiellement letaux, mais… La propafenone subit une redistribution post-mortem (RPM) avec un ratio moyen des concentrations sang cardiaque/sang femoral de 2,4 [4] . Chez 90 % des patients, le metabolisme hepatique rapide de la propafenone conduit a la formation de 2 metabolites pharmacologiquement actifs : 5-hydroxypropafenone (20–60 % des concentrations de propafenone) (CYP2D6) et norpropafenone (20–23 %) (CYP3A4, CYP1A2). Chez les metaboliseurs lents pour le CYP2D6, peu de 5-hydroxy est forme. Chez les metaboliseurs rapides, la demi-vie d’elimination plasmatique de la propafenone est comprise entre 2 et 10 h (vs 10–22 h chez les metaboliseurs lents). Les cas d’intoxication publies rapportent des concentrations en metabolites relativement faibles en regard des concentrations de propafenone ( [5] . Il existe une grande variabilite inter-individuelle des concentrations sanguines en raison de l’effet de premier passage hepatique et d’une pharmacocinetique non lineaire (metaboliseurs rapides). Dans notre cas, le phenotype de la victime n’a pas ete evalue et aucun genotypage n’a ete realise. La propafenone etait absente du traitement habituel… les enqueteurs ont seulement retrouve une prescription de propafenone datant de 2 ans. Si la prise antemortem de propafenone est indeniable, la dose de propafenone prise (ou administree) et l’existence de prises anterieures au deces (en l’absence de cheveux) sont difficiles a apprecier dans un contexte medicolegal (et de la question de l’orientation penale, ou non, de ce dossier). Ce cas illustre des difficultes d’interpretation post-mortem en lien avec : – l’absence de sang peripherique et les problemes de RPM ; – l’existence de metabolites actifs et la difficulte d’apprecier le phenotype de la victime (compliquee par l’absence de donnees pharmacogenetiques) ; – un contexte qui interroge sur la provenance du toxique (absence d’analyses capillaires possibles).
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