Utilisation de l'aliment et génétique : quelques challenges et perspectives dans un contexte d'évolution des ressources alimentaires

2014 
L’aliment represente plus de 60% du cout de production des monogastriques, et la transformation incomplete de l’aliment en produits animaux a un impact environnemental en termes de rejets. Les pressions economique et societale resultant de ces deux facteurs pour une meilleure utilisation de l’aliment par les animaux d’elevage sont renforcees par la competition croissante pour l’utilisation des surfaces agricoles entre alimentation animale, alimentation humaine et production de biocarburants. Malgre l’importance de ces questions, l’enregistrement de l’ingere individuel en elevage est rarement possible et reste couteux a acquerir. L’amelioration genetique de l’efficacite alimentaire a donc ete essentiellement realisee indirectement par l’augmentation de la vitesse de croissance et la reduction du gras dans la composition corporelle des animaux, ou directement, mais dans des conditions d’elevage eloignee des conditions de production (loges ou cages individuelles). Differentes strategies d’amelioration de l’efficacite alimentaire (EA) ont ete evaluees ces dernieres annees a l’INRA dans differentes especes. Dans les etudes menees chez le porc, une meilleure comprehension de l’objectif de selection a ete privilegiee, sans changement de l’aliment par rapport a ceux utilises actuellement. Pour ce faire, la possibilite de separer les composantes de l’efficacite alimentaire liee aux performances de production et aux besoins d’entretien de l’animal, sur lesquelles la pression de selection a ete historiquement forte, de la composante de l’EA « nette » des performances de production, appelee consommation moyenne journaliere residuelle (CMJR), a ete evaluee. Cette approche permet d’evaluer la part de l’EA qui est independante du niveau de production, et de proposer de nouvelles strategies de selection. Dans les etudes chez le poisson et le poulet, la reflexion a integre de nouveaux regimes alimentaires par rapport a ceux utilises en production, pour maitriser les couts alimentaires et limiter la pression sur les ressources qui deviennent moins disponibles. Traditionnellement, les poissons sont nourris avec des farines et des huiles de poissons issues de la peche minotiere. Ces ressources sont cependant limitees et doivent etre substituees pour permettre l’expansion de l’aquaculture (+ 9 % par an). L’utilisation de produits d’origine vegetale est la solution utilisee pour l’instant. Les substitutions partielles sont deja presentes dans les aliments commerciaux mais la substitution totale pose des problemes zootechniques importants qu’une combinaison de strategies nutritionnelles et genetiques permet de maitriser partiellement. Dans cette etude, les ressources d’origine animale sont substituees par des ressources d’origine vegetale de grande qualite nutritionnelle pour limiter les effets negatifs des matieres premieres vegetales. Une strategie differente consiste a substituer les cereales et les proteines de bonne qualite traditionnellement utilisees pour l’alimentation animale par des ressources alimentaires alternatives non concurrentielles avec l’alimentation humaine et d’origine locale, frequemment de qualite plus faible et plus variable. L’objectif devient alors de selectionner des animaux capables de mieux digerer, etape de l’utilisation des aliments peu selectionnee avec des aliments de grande qualite : chez le poulet de chair nourri avec des regimes difficiles a digeres, l’etude genetique de l’efficacite digestive est envisagee pour evaluer le potentiel de ce caractere pour l’amelioration de l’utilisation de l’aliment par les animaux. En premier lieu, nous proposons de montrer que l’on peut utiliser moins d’aliment, l’utiliser mieux ou differemment, a travers la quantification des reponses directes a la selection pour les travaux de selection mis en œuvre pour chacune des approches presentees precedemment. Cela implique de developper de nouvelles methodes de phenotypage et de travailler sur de nouveaux caracteres. Les resultats rapportes font l’objet d’une implication tres importante des unites experimentales (GenESI, PEAT, EASM, PEIMA) dans lesquelles les animaux ont ete selectionnes, afin d’assurer un phenotypage de qualite des animaux pour des caracteres qui sont difficiles et couteux a mesurer individuellement en ferme. Outre les methodes de phenotypage direct, nous illustrerons l’apport des donnees de genomique pour aller plus loin dans la caracterisation des animaux. Finalement, nous proposerons des exemples d’etude de reponses correlees a la selection lies aux 3 piliers du developpement durable (economique, environnemental et social), qui permettent de montrer qu’a ce stade des etudes aucun impact defavorable des strategies de selection explorees n’est mis en evidence, contrairement a ce que suggere la litterature relative a la theorie sur l’allocation des ressources. Pour ce qui est des perspectives, nous rappellerons que les genotypes selectionnes presentent des potentiels interessants pour repondre aux questions originellement posees. Les mecanismes physiologiques sous-jacents ne sont pas completement compris et le niveau d’investigation est variable entre les especes. Pour ces travaux, d’etroites collaborations avec nos collegues des autres departements de l’INRA (principalement PHASE, mais egalement SA et CEPIA) sont indispensables, que ce soit pour la mise au point du phenotypage des caracteres, la comprehension des mecanismes physiologiques impliques dans leur determinisme, la quantification des consequences des strategies genetiques envisagees, ou encore la proposition conjointe de strategies d’elevage (nutrition et genetique par exemple). En complement et en raison de la difficulte des phenotypages pour mesurer ces caracteres, une partie des efforts en cours concerne la mise au point de techniques de phenotypage fin ou de genotypage, qui permettraient de simplifier le phenotypage direct de l’ingeree ou de le contourner par l’identification de predicteurs. Outre les approches « omiques » sans a priori, ces approches ciblent des verrous biologiques potentiels : enregistrement de la prise alimentaire, enregistrement de l’efficacite digestive en condition d’elevage, caracterisation du microbiote intestinal, histologie et fonctionnement du tube digestif. Dans certaines approches les modeles genetiques appliques aux phenotypes lies a l’ingere sont revisites en tenant compte de la repetition des enregistrements dans le temps ou d’effets indirects des animaux de la loge sur les performances (modeles sociaux). Finalement, le contexte de la production evolue fortement : l’internationalisation accrue des echanges de genetique entre pays et continents genere une production d’animaux dans des environnements tres varies (temperature et humidite, qualite et composition des aliments, de l’environnement sanitaire et de la taille des groupes). La capacite a predire, a partir d’enregistrements effectues dans un nombre de milieux de selection restreint, l’utilisation de l’aliment par les animaux dans des milieux de production de plus en plus varies, est un enjeu renouvele, et la proposition de strategies pour produire des genotypes « robustes » aux variations de leur environnement d’elevage est cruciale.
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