Infanticide associant la doxylamine et le gaz hélium : nécessité de la collaboration entre le légiste et le toxicologue analyste

Objectifs Nous rapportons le cas d’un enfant de 6 ans retrouve mort dans une chambre d’hotel. Il s’agirait d’un infanticide au mode operatoire complexe associant l’helium et la doxylamine. Ce cas illustre les difficultes pre-analytiques pour confirmer analytiquement l’empoisonnement. Methode L’enfant, âge de 6 ans est retrouve decede dans une chambre d’hotel. Son visage est recouvert par un masque de plongee integral, lui-meme relie par un tuyau a une bouteille d’helium. Deux boites de medicaments : doxylamine et paracetamol ont ete retrouvees par les enqueteurs. Un scanner du corps entier a ete realise. Une autopsie a ete pratiquee et des prelevements a visees toxicologique et anatomo-pathologique effectues. Nous avons mene une expertise toxicologique de reference par GC-FID, HPLC-MS/MS et HPLC-DAD a partir de 4 echantillons : sang peripherique, humeur vitree, bile et contenu gastrique et une recherche specifique de l’helium par GC-TCD a partir de l’echantillon de sang cardiaque et des poumons. Resultats L’analyse toxicologique rapporte une concentration de doxylamine tres elevee a 1004 ng/mL, les concentrations therapeutiques etant habituellement comprises entre 50 et 200 ng/mL chez l’adulte. Les autres analyses sont negatives. La recherche du gaz helium s’est revelee negative dans le sang cardiaque et les poumons. Il est a noter que les prelevements n’ont pas ete realises selon le protocole CURML decrit par Varlet en 2012 et que les legistes ne disposaient pas de flacons sertis au moment de l’autopsie. Le scanner montre des anses digestives dilatees et une diffusion importante de gaz dans l’abdomen. L’examen anatomo-pathologique revele un syndrome asphyxique pulmonaire incomplet avec un important emphyseme aux aspects compatibles avec une inhalation de substance gazeuse. L’autopsie a permis d’eliminer d’autres causes de deces. Conclusion La doxylamine, antihistaminique H1 possedant un effet sedatif et atropinique est indiquee dans l’insomnie occasionnelle de l’adulte. La concentration mesuree chez l’enfant est tres elevee en faveur d’une administration massive ayant entraine l’endormissement voire le coma de l’enfant sans entrainer directement son deces. Meme si le gaz helium n’a pas ete retrouve dans les prelevements, cela n’ecarte pas une tres probable intoxication a l’helium. En effet, c’est un gaz tres volatil et le mettre en evidence dans des prelevements biologiques necessite une manipulation des echantillons particulierement delicate, notamment l’utilisation de flacons speciaux sertis pour le recueil. Ce cas illustre une prise en charge non optimale de la phase pre-analytique n’ayant pas permis d’identifier l’helium. Une reunion de concertation multidisciplinaire a fait suite a la prise en charge de ce cas. Desormais, les legistes disposent de protocoles et de flacons adaptes au recueil des gaz. Les analyses anatomo-pathologiques (syndrome asphyxique pulmonaire) et le scanner du corps entier (diffusion importante de gaz) restent neanmoins tres contributifs pour confirmer l’intoxication. Ils confirment les hypotheses posees sur la scene de crime, a savoir un infanticide ayant utilise simultanement un medicament entrainant la somnolence, la doxylamine et un gaz inerte ayant entraine la mort par privation d’oxygene et suffocation. Ces deux substances sont disponibles aisement car en vente libre dans les officines pour la premiere et dans les magasins de farces et attrapes ou via internet pour le second.