Le corps « érographique » et ses contraintes

Le recit erographique soumet le corps sexuel a deux modifications essentielles : d'une part, il amplifie son potentiel energetique ; d'autre part, il le depersonnalise. Contrairement a un prejuge commun, le trop-plein de ce corps erotique n'entraine pas une depense desordonnee mais est au contraire canalise par des contraintes formelles que Roland Barthes puis Gaetan Brulotte ont identifiees a partir de la reference sadienne. Cependant, comme le montre l'Histoire d'O, les contraintes propres au genre erographique peuvent egalement cohabiter avec les contraintes propres au genre romanesque. Cette conciliation est largement tributaire d'une certaine conception du corps feminin a l'oeuvre dans ce recit ecrit par Pauline Reage (Dominique Aury). En effet, mi-objet, mi-sujet, le corps de l'heroine est un corps eroticoamoureux relie a un moi psychologique qui poursuit une quete dont l'issue est tragique. La confrontation du cas sadien au cas de l'Histoire d'O nous montre qu'il existe une correlation entre d'une part un certain imaginaire du vivant, c'est-a-dire le corps erographique, et d'autre part les contraintes formelles chargees de le mettre en scene.