Narcolepsie : une maladie auto-immune affectant un peptide de l’éveil liée à un mimétisme moléculaire avec des épitopes du virus de la grippe

2019 
La narcolepsie et la cataplexie sont decrites pour la premiere fois a la fin du XIXe  siecle en Allemagne et en France. La prevalence de la maladie est etablie a 0,05 % et un modele canin est decouvert dans les annees 1970. En 1983, une etude japonaise revele que les patients narcoleptiques sont porteurs d’un marqueur genetique unique, l’antigene leucocytaire HLA-DR2, suggerant l’auto-immunite comme cause de la maladie. Il faudra attendre 1992 pour qu’il soit montre, grâce a une etude chez des patients afro-americains, que DQ0602 , un autre gene HLA, est la veritable cause de cette association. Des etudes pharmacologiques conduites sur le modele canin etablissent que la stimulation dopaminergique est le mode d’action des stimulants sur l’eveil, tandis que les antidepresseurs suppriment la cataplexie en inhibant la recapture adrenergique. Aucune association HLA n’est cependant mise en evidence chez les chiens, suggerant une cause distincte de la maladie humaine. Une etude de liaison genetique chez les chiens, initiee en 1988, revele en 1999 que la narcolepsie canine est causee par des mutations du recepteur 2 de l’hypocretine (orexine). En 2000, l’hypocretine-1/orexine A est mesuree dans le liquide cephalo-rachidien (LCR) et on decouvre qu’elle est indetectable chez la plupart des patients narcoleptiques, etablissant qu’un deficit hypocretinergique est la cause de la narcolepsie humaine. La diminution de l’hypocretine-1 dans le LCR, secondaire a la perte des 70 000 neurones hypothalamiques produisant l’hypocretine, est demontree, ce qui, avec l’association au locus HLA, suggere qu’une destruction immunitaire de ces cellules est la cause de la maladie. D’autres etudes genetiques, notamment d’association a l’echelle du genome (GWAS ), revelent l’existence de nombreux facteurs genetiques predisposant a la narcolepsie, la plupart etant egalement impliques dans d’autres maladies auto-immunes. Une association forte et unique avec les loci des recepteurs lymphocytaires T (TCR ) alpha et beta est aussi observee, suggerant un role preponderant des lymphocytes T. En depit de nombreux efforts, toutes les tentatives visant a demontrer la presence d’auto-anticorps contre les cellules a hypocretine dans la narcolepsie echouent, et la cause auto-immune presumee de cette maladie reste a l’etat d’hypothese. A la suite de la grippe pandemique influenza A pH1N1 en 2009, de nombreux cas de narcolepsie apparaissent, suggerant un mimetisme moleculaire avec le virus de la grippe qui pourrait declencher la maladie auto-immune. Cette hypothese est confirmee par un criblage peptidique montrant une plus grande reactivite des lymphocytes T CD4+ a un segment specifique de l’hypocretine (HCRTNH2 ) et une reactivite croisee des TCR correspondants a un segment d’hemagglutinine de pH1N1 qui partage une homologie avec HCRTNH2 . De facon remarquable, le TCR le plus frequent dans la population et qui reconnait ces antigenes contient des sequences TRAJ24 ou TRVB4-2, segments modules par des polymorphismes genetiques associes a la narcolepsie dans les etudes GWAS . Il est probable que les lymphocytes T CD4+ autoreactifs avec HCRTNH2 recrutent par la suite des lymphocytes T CD8+ qui detruisent les cellules a hypocretine. On peut s’attendre a ce que d’autres sequences mimiques grippales inconnues soient decouvertes prochainement puisque la narcolepsie existait avant 2009. Ces decouvertes demontrent enfin la cause auto-immune de la narcolepsie. Les travaux menes au cours des annees sur la narcolepsie offrent une perspective unique sur la conduite de la recherche sur l’etiopathogenie d’une maladie bien identifiee.
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