Possibilités, approches et limites d’une simplification administrative de la Politique agricole commune de l’UE

2019 
ResumePratiquement aucune autre exigence relative a la Politique agricole commune (PAC) ne fait l’objet depuis les annees 1990 d’un consensus aussi large entre les parties concernees que celle d’une simplification administrative. Il est urgent de proceder a une simplification, et ce, pour les deux piliers de la PAC et pour tous les niveaux d’acteurs (l’UE, les Etats membres, c.-a-d. en Allemagne la Federation et les Lander, les beneficiaires des aides). Dans le contexte de la prochaine reforme de la PAC apres 2020, le Conseil consultatif examine dans le present avis les possibilites, les approches et les limites d’une simplification administrative. Il y approfondit la recommandation « Ramener la charge administrative a un niveau raisonnable » exprimee dans son avis « Pour une Politique agricole commune de l’UE axee sur l’interet general apres 2020 : questions fondamentales et recommandations » (WBAE 2018 : 71).La simplification administrative n’est pas une fin en soi. Elle doit respecter les exigences de l’Etat de droit en matiere de legitimite de l’action administrative et de la protection, exigee par la democratie, des interets financiers de l’UE et de l’Etat membre concerne. Une simplification administrative judicieusement menee ne compromet pas les objectifs vises par les mesures de la PAC et garantit une utilisation correcte des fonds publics. Elle a egalement vocation a reduire la mefiance et les craintes des autorites de mise en oeuvre des Etats membres vis-a-vis du risque d’imputation et, ainsi, a retablir une marge de manoeuvre.La revendication de simplification administrative s’adresse aux concepteurs des processus et donc, en regle generale, aux legislateurs et aux administrations au niveau europeen et des Etats membres, auxquels viennent s’ajouter en Allemagne les Lander.Les causes de la complexite administrative de la PAC sont diverses et resultent, dans une large mesure, d’une structure fondamentale de la PAC et du controle administratif, qui a ete instaure dans les annees 1960 et 1970 et s’est ensuite accru de maniere cumulative. Une partie de la charge administrative est due au cadre juridique de l’UE, une autre a la mise en oeuvre pratique en Allemagne.La PAC actuelle poursuit avec une panoplie d’outils tres variee un grand nombre d’objectifs, qui sont mis en oeuvre conjointement par l’UE et les Etats membres au moyen de l’execution indirecte et de la cooperation administrative. Elle est donc necessairement complexe et lourde au niveau normatif et procedural. Au-dela de ce degre necessaire de complexite et de charge administrative, la PAC a ete surchargee de structures qui ont, a juste titre, incite tous les acteurs a appeler de leurs voeux une simplification. Les causes principales sont la situation juridique de l’UE, qui est confuse, se modifie fondamentalement a chaque nouvelle periode de financement et continue en outre a changer en cours de periode de financement, et la conception indument stricte du Parlement europeen et de la Cour des comptes europeenne quant a l’utilisation correcte des fonds (niveau d’erreur maximum tolere de 2 %). Cette application rigoureuse de la discipline budgetaire a entraine l’emergence d’un vaste systeme de controle redondant prevoyant des sanctions disproportionnees a l’encontre des Etats membres (risque d’imputation) et des beneficiaires.Les propositions de reglement de la Commission europeenne pour la PAC apres 2020 ont le potentiel necessaire pour engager un changement de paradigme dans la PAC. Le « nouveau modele de mise en oeuvre » doit modifier en profondeur la structure de gouvernance de la PAC. On ne peut pas dire avec certitude a l’heure actuelle si les propositions legislatives entraineraient une simplification administrative, mais le Conseil consultatif doute que les libertes accordees au premier abord aux Etats membres seront preservees lors de la mise en oeuvre concrete. Il craint qu’en l’absence de changements de fond, le nouveau modele de mise en oeuvre ne fasse que transferer la charge administrative de l’UE aux Etats membres.Le Conseil consultatif emet les recommandations suivantes pour ramener la charge administrative a un niveau raisonnable1. Remplacer a long terme la culture de mefiance actuelle par une culture administrative commune a l’UE et aux Etats membres : la cooperation administrative entre l’EU et les Etats membres presuppose une culture administrative commune aux parties prenantes, seul moyen de reduire la complexite actuelle des instruments de controle. Le systeme de sanctions devrait etre integralement progressif en fonction de la gravite (duree et ampleur) et de l’intentionnalite (premeditation ou negligence) de l’infraction.2. Supprimer la limitation dans le temps des dispositions procedurales communes de la PAC : l’instauration de dispositions procedurales de la PAC continuant a s’appliquer au-dela de la periode de financement favorise le developpement d’une pratique administrative, judiciaire et scientifique, augmente ainsi la securite juridique et simplifie de ce fait les procedures en place.3. Reduire, codifier et presenter a temps les dispositions d'application de la PAC : une reduction des dispositions d’execution a un niveau minimum necessaire dans l’UE et une synthese systematique, au sein d’un ensemble legislatif unique, des dispositions d’execution europeennes valables pour l’ensemble de la PAC, entraineraient l’emergence d’une pratique administrative, judiciaire et scientifique et, de ce fait, une securite juridique accrue. Toutes les dispositions juridiques doivent etre disponibles suffisamment longtemps avant le debut d’une nouvelle periode de financement.4. La transposition du droit de l’UE au niveau national ne doit etre administrativement plus complexe que dans des cas motives : la mise en oeuvre financiere au niveau national, y compris le controle, ne doit pas, dans la mesure du possible, entrainer de charge administrative superieure a celle prevue par le droit de l’UE. Si la Federation ou les Lander souhaitent programmer des mesures de soutien plus exigeantes afin d’augmenter la precision du ciblage et l’atteinte des objectifs, il faut determiner dans quelle mesure cela justifie une charge administrative plus importante.5. Proceder aux apurements et examens des performances sur la base d’indicateurs appropries au lieu d’apporter la preuve de la conformite des depenses : les Etats membres de l’UE ne devraient plus avoir a prouver a l’UE la conformite des depenses, mais a lui remettre des apurements et examens de performance sur la base de criteres appropries. Si l’UE entend conserver la preuve de la conformite des depenses, il faudra augmenter de maniere appropriee le niveau d’erreur, qui est actuellement de 2 %.6. Prendre en compte et reduire les couts administratifs des Etats membres : lors de l’examen de l’efficacite des instruments de controle, l’UE devrait integrer une evaluation approximative des couts de controle et de sanction pour les administrations des Etats membres. La Federation et les Lander devraient verifier le caractere necessaire des exigences nationales s’appliquant aux procedures administratives agricoles, mais aussi des exigences generales du droit relatif aux subventions et des reglements financiers et d’eviter notamment les redondances lors des controles.7. Mettre en place un systeme d’audit unique : au sens du droit organisationnel, il convient de mettre en place un systeme d’audit unique a des fins de simplification administrative. La reduction de la densite des controles qui en resultera est realiste, meme sans restriction importante des principes de discipline budgetaire de l’UE, et possible dans le respect des limites fixees par le droit constitutionnel.8. Reduire la charge administrative par des seuils de minimis adequats : Les infractions minimes, qui n’ont qu’un impact financier relativement faible, et les ecarts minimes de surface devraient etre consideres comme des infractions mineures. La fixation des seuils de minimis ou des ecarts negligeables devrait etre laissee a l’appreciation des Etats membres dans un cadre fixe au niveau europeen.9. Renforcer le recours aux technologies numeriques : en particulier pour les mesures « surfaces », il faut utiliser, davantage que ce n’est actuellement le cas, les donnees existantes et les technologies du numerique en tant que base de la conception, de la demande, de la decision et du controle des mesures.10. Revaloriser le principe de confiance par rapport au principe de legalite : la subordination actuelle du principe de confiance au principe de legalite devrait etre modifiee par un equilibre pondere entre ces deux principes.Il convient de mettre a profit la chance que constituent les prochaines decisions sur la PAC apres 2020 et leur mise en oeuvre en Allemagne pour reduire la charge administrative occasionnee par la PAC et la ramener a un niveau raisonnable. Il faudra toutefois pour cela plus qu’une reforme exclusivement centree sur la PAC et sur certains symptomes de la complexite administrative.
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