Les juridictions constitutionnelles face aux souhaits sécessionnistes : de l’expérience québécoise à la situation catalane

2017 
Quel role peuvent jouer les juridictions constitutionnelles dans des conflits d'ordre politique, sous haute tension, comme ceux consistant pour une entite territoriale ou une minorite nationale a revendiquer un droit de decider d'une secession ? Quelle est la legitimite des reponses que les juridictions constitutionnelles sont susceptibles d'apporter a ce genre de conflit ? Ces questions se sont posees a plusieurs reprises ces dernieres decennies. Or, sur ce theme, l'avis rendu par la Cour supreme canadienne le 20 aout 1998, dans le cadre du Renvoi relatif a la secession du Quebec, est souvent considere comme exemplaire en ce que la Cour a reussi le tour de force de contenter, au moins momentanement, a la fois la majorite federale et les souverainistes quebecois. Ce Renvoi est d'ailleurs souvent cite que ce soit par la doctrine de droit interne ou international, par les partisans de mouvements secessionnistes, par les gouvernements, par les juridictions internationales ou les juridictions constitutionnelles. Ce Renvoi semble constituer un modele de gestion en interne, sur le plan constitutionnel, de la revendication d'autodetermination d'une entite territoriale. Pourtant, la Cour supreme canadienne n'a pas cautionne la secession unilaterale. Elle a meme considere, en toute logique, qu'elle etait inconstitutionnelle comme l'a fait la Cour constitutionnelle ukrainienne pour la Crimee 1 , ou encore le Tribunal constitutionnel espagnol pour la Catalogne 2. La Cour supreme canadienne a, cependant, ouvert un certain nombre de perspectives considerees comme acceptables pour les parties concernees et ce faisant, elle a contribue a apaiser les tensions politiques du moment. La lecture de ce Renvoi est d'ailleurs riche d'enseignements quant au role de la juridiction constitutionnelle face aux attentes des differentes parties en presence. En effet, le Tribunal constitutionnel espagnol a lui aussi ete confronte a la problematique d'une revendication d'autodetermination, pour le pays basque d'abord puis en Catalogne. Cependant, dans le cas de la Catalogne notamment, les differentes decisions qu'il a rendues n'ont pas contribue a apaiser la situation. Afin de tenter d'en comprendre les raisons, un retour sur l'avis rendu par la Cour supreme canadienne en 1998 est necessaire, avant de mettre en lumiere, plus largement, en comparaison avec le cas de la Catalogne, le role particulierement delicat des juridictions constitutionnelles dans ces conflits politiques. Certes, les deux juridictions ne sont intervenues ni dans le meme contexte, ni avec les memes fonctions. Toutefois, sur les plans pratique et politique, les deux situations peuvent etre rapprochees car les deux juridictions ont fait une interpretation des dispositions constitutionnelles pour se prononcer sur la faisabilite, et les conditions, d'un processus de secession unilaterale. Si dans le cas du Quebec, l'intervention de la Cour supreme du Canada a permis de renforcer sa legitimite en tant qu'arbitre d'un conflit politique (I), dans le cas catalan, les positions prises par le Tribunal constitutionnel espagnol ont au contraire contribue a affaiblir son autorite et son image (II), ce qui conduit a s'interroger sur les limites du role des juridictions constitutionnelles dans les processus de revendication secessionniste (III). 1 Dans une decision n°1-13/2014 du 14 mars 2014, la Cour constitutionnelle ukrainienne a considere que l'organisation du referendum du 16 mars 2014 sur la souverainete etatique de la Crimee etait inconstitutionnelle. 2 Voir notamment la sentence n° 42 de 2014, citant directement le Renvoi sur la secession du Quebec rendu par la Cour supreme canadienne.
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