État de choc chez le patient VIH : penser à la iatrogénie induite par les antirétroviraux

2020 
Introduction La survenue d’un etat de choc chez un patient infecte par le VIH fait generalement evoquer en premier lieu une origine septique, d’autant plus en cas de faible taux deCD4. Neanmoins, la prise d’antiretroviraux (ARV) est associee dans certains cas a la survenue d’acidoses lactiques, pouvant etre graves et se compliquer d’etat de choc voire de deces. Nous rapportons ici un nouveau cas de choc secondaire a une acidose lactique aux ARV et discutons ensuite des mecanismes, des facteurs de risque et du traitement de ces acidoses lactiques induites par les ARV. Observation Un patient de 48 ans sans autre antecedent qu’un VIH etait admis en reanimation pour un etat de choc. L’infection a VIH avait ete diagnostique en 2010 au decours d’un depistage, et le patient etait traite depuis par tenofovir, emtricitabine, etelvitegravir, avec une charge virale negative. L’interrogatoire retrouvait la notion de diarrhees choleriformes les jours precedant l’admission. A l’arrivee a la reanimation, le patient presentait un etat de choc avec tension arterielle a 58/31 mm/Hg, pouls a 148 bpm, des marbrures diffuses, une somnolence (Glasgow 8) et une polypnee (35 cycles/minutes). L’examen physique etait normal en dehors d’une douleur abdominale diffuse. La gazometrie arterielle retrouvait une acidose metabolique severe avec hyperlactemie majeure (pH 6,8, lactates > 20, HCO3-8, PaO2 120, PaCO2 18). L’echographie transthoracique etait normale. Apres echec d’une expansion volemique de cristalloides a plus de 30 mL/kg, de la noradrenaline etait introduite a vitesse progressivement croissante jusqu’a 12 mg/h, et le patient beneficiait d’une intubation orotracheale en sequence rapide. Le bilan biologique mettait en evidence une insuffisance renale aigue (creatinine a 320). Le scanner TAP ne retrouvait pas de foyer infectieux profond. Devant la severite de l’etat de choc (noradrenaline 12 mg/h, lactatemie > 20), et le point d’appel digestif (douleur abdominale, diarrhee), une laparotomie etait effectuee en urgence, ne retrouvant pas d’anomalie en particulier par d’ischemie mesenterique. Une antibiotherapie probabiliste large spectre etait introduite apres prelevements infectieux (hemocultures, ECBU), et les traitements antiretroviraux (ARV) suspendus. Aucune documentation microbiologique n’etait identifiee en dehors d’un norovirus dans les selles (PCR). L’evolution lentement favorable apres arret des ARV faisait retenir le diagnostic de choc sur acidose lactique par surdosage en ARV au decours d’un episode infectieux viral. Discussion La tritherapie antiretrovirale a revolutionne la prise en charge du VIH. Neanmoins de nombreux effets secondaires de ces traitements ont ete decrits, en particulier par le biais d’une dysfonction mitochondriale, qui semble impliquee dans la survenue de myopathie, de neuromyopathie et d’acidose lactique parfois severe [1] . Le mecanisme lesionnel semble impliquer la g-ADN polymerase, enzyme responsable de la synthese des elements de la chaine respiratoire, dont la fonction serait alteree par les ARV. Le diagnostic positif repose sur la mise en evidence d’une acidose lactique, et l’exclusion des autres causes d’hyperlactatemie. Lorsque l’acidose se complique d’un etat de choc avec defaillance multiviscerale, les investigations doivent en particulier eliminer un choc septique. Le surdosage, l’insuffisance renale, la denutrition et la zidovudine semblent constituer des facteurs de risque de survenue d’acidose lactique sous ARV [2] , [3] . Dans notre cas, c’est probablement l’episode infectieux viral digestif et l’insuffisance renale fonctionnelle secondaire qui ont potentialise la survenue de cette acidose. La prise en charge reside dans la suspension des medicaments imputes, a laquelle peut etre associee de la riboflavine, cofacteur de la g-ADN polymerase, dont l’efficacite est discutee en l’absence d’essai randomise. Conclusion La survenue d’une acidose lactique chez un patient traite par ARV est un effet secondaire rare mais parfois letal de ces traitements. Le diagnostic doit etre evoque devant une hyperlactatemie isolee ou compliquee d’un choc avec defaillance multiviscerale comme dans le cas de notre patient.
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