Myocardite éosinophilique avec défaillance multiviscérale dans le cadre d’un DRESS : premier cas dû à la Lamotrigine®

2014 
Introduction Le drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS) est une reaction d’hypersensibilite rare mais letale (10 % des cas), survenant 2 a 6 semaines suivant une prise medicamenteuse [1] . Il se definit par une eruption cutanee, une eosinophilie ≥ 1,5 G/L ou la presence de lymphocytes actives et une atteinte systemique (adenopathies, hepatite, myocardite, nephropathie, pneumopathie interstitielle) [1] . Nous rapportons le cas d’une rechute de DRESS avec defaillance multi-viscerale sur myocardite a eosinophiles au sevrage de la corticotherapie, 7 semaines apres l’arret d’un traitement causal par Lamotrigine ® . Observation Une patiente de 46 ans, sans antecedents, s’automedique le 22 mars 2014 par Lamotrigine ® 25 mg/j pour un suppose trouble bipolaire. Le 7 avril survient un rash maculo-papuleux et la Lamotrigine ® est interrompue. Le 18 avril, une erythrodermie maculo-papuleuse desquamative, febrile a 39 °C et des adenopathies cervicales et inguinales sont constatees. La CRP est a 33,8 mg/L, la creatinine est normale mais les transaminases sont a 9 fois la normale, la phosphatase alcaline a 4 fois la normale. La formule sanguine detecte une hyper-eosinophilie a 1,76 G/L et des lymphocytes actives a 0,89 G/L. Les criteres d’imputabilite intrinseque et extrinseque font evoquer un DRESS a la Lamotrigine ® , confirme par la biopsie cutanee : pericapillarite lymphocytaire et a eosinophiles. Des dermocorticoides et de la prednisone a 0,5 mg/kg/j permettent rapidement une bonne evolution clinicobiologique et sont sevres le 12 mai. Le 26 juin, en dehors de toute reintroduction de Lamotrigine ® , surviennent une recidive cutanee, une defaillance multi-viscerale avec choc cardiogenique et hepatite fulminante conduisant la patiente en reanimation. L’ECG revele des troubles de la repolarisation diffus. La troponine est a 900 ng/L, le NT-proBNP a 7459 ng/L, les lactates a 7 mmol/L. Les transaminases sont a 50 fois la normale, le TP a 39 %, le facteur V a 43 %, la CRP a 29,7 mg/L, les eosinophiles a 0,55 G/L. Alors que la fraction d’ejection ventriculaire est conservee a l’echocardiographie, cette derniere montre une infiltration bi-ventriculaire avec hypertrophie ventriculaire gauche. La defaillance cardiaque est attribuee a une dysfonction diastolique confirmee par catheterisme cardiaque droit : debit cardiaque effondre (2,6 L/min), adiastolie sans aspect de pericardite chronique constrictive. La coronarographie est normale. Les biopsies myocardiques, en faveur d’une myocardite necrosante a eosinophiles, confirment la rechute du DRESS. Les recherches d’un diagnostic alternatif sont negatives : tests serologiques, ANCA, clonalite T et B, mutations FIP1L1, JAK2, BCR-ABL, parasitologie des selles, myelogramme, scanner thoraco-abdomino-pelvien. Des reactivations virales sont decelees par serologies et PCR pour EBV (524 copies/mL), CMV (664 copies/mL) et HHV-6 (3230 copies/mL). Combines aux soins de support ventilatoires et a une assistance circulatoire extracorporelle (ECMO), trois bolus de 1 g de methylprednisolone puis une corticotherapie orale a 1 mg/kg/j permettent une amelioration spectaculaire. La patiente est transferee en medecine le 8 juillet. Sous corticotherapie, l’evolution est emaillee de rechutes cutanees et pancreatiques (pancreatite aigue Balthazar A), resolutives. Le 16 septembre, sous 40 mg/j de prednisone, la patiente est toujours asymptomatique. Discussion Le DRESS est une urgence diagnostique et therapeutique. Bien que les anti-epileptiques en soient classiquement inducteurs [1] , cette observation est a notre connaissance la premiere rapportant une myocardite eosinophilique a la Lamotrigine ® [3] . Meme en absence de reintroduction du medicament causal, des poussees de DRESS de severite variable peuvent survenir plusieurs mois apres l’episode initial [3] . Les mecanismes physiopathologiques, mal elucides, font intervenir une hyper-activation du systeme immunitaire [1] . Le sevrage rapide de la corticotherapie a probablement contribue a la rechute du DRESS, mais les reactivations virales dont HHV-6 peuvent y avoir participe, comme cela a ete decrit [1] . Des antiviraux et des immunoglobulines polyvalentes, discutes devant un pronostic vital engage [2] , ont ete recuses devant l’evolution favorable sous corticotherapie. L’absence de consensus et le risque de perenniser le DRESS par de nouveaux traitements nous ont incites a poursuivre la prise en charge initiale. Conclusion Le DRESS est une urgence pouvant engager le pronostic vital. Le risque de recidive malgre l’arret des medicaments inducteurs doit inciter a la prudence dans la decroissance de la corticotherapie et a la surveillance etroite des patients.
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