Atteinte des muscles expiratoires chez l’adulte drépanocytaire, à propos d’un cas

2017 
Introduction La drepanocytose est une maladie genetique autosomique recessive, due a une mutation du gene de la beta-globine induisant la synthese d’une hemoglobine anormale entrainant une hemolyse chronique et des phenomenes vaso-occlusifs pouvant atteindre tous les organes. Certaines complications pulmonaires sont bien connues des cliniciens, comme le syndrome thoracique aigu et l’hypertension arterielle pulmonaire. Cependant la dysfonction des muscles respiratoires est peu decrite. Cette observation est la premiere, a notre connaissance, a etre rapportee chez l’adulte. Observation Un patient de 26 ans, atteint d’une drepanocytose homozygote SS, avec une intoxication tabagique occasionnelle, est hospitalise pour une crise vaso-occlusive osseuse severe. Cinq jours apres son arrivee, il presente un episode de desaturation en air ambiant a 87 % bien tolere, confirme par une gazometrie, sans douleur thoracique, sans argument pour un syndrome thoracique aigu. Le scanner thoracique realise, suspecte un embole arteriel pulmonaire sous segmentaire, non confirme par une scintigraphie pulmonaire. Dans le doute, le patient est anticoagule curativement par Heparine de bas poids moleculaire, avec un relai par rivaroxaban. Cependant on note une aggravation de la desaturation en air ambiant, majoree a l’effort jusqu’a 75 % a plus de 10 jours du debut de l’anticoagulation curative. L’echographie cardiaque trans-thoracique ne retrouve pas d’hypertension arterielle pulmonaire, ni de cœur pulmonaire aigu. Les explorations fonctionnelles et respiratoires retrouvent un syndrome restrictif modere (capacite pulmonaire totale a 72 % de predit) par baisse des volumes mobilisables alors que la capacite residuelle fonctionnelle et le volume residuel sont normaux. L’etude des pressions inspiratoires et expiratoires met en evidence une nette diminution des pressions expiratoires maximales (PEmax), alors que les pressions inspiratoires maximales a la bouche et apres manœuvre de sniff (PImax et SNIP) sont normales, suggerant une atteinte des muscles expiratoires. Le patient est reste quelques semaines oxygenodependant au domicile, avec une amelioration progressive grâce a de la kinesitherapie respiratoire. A 2 mois, les saturations au repos sont entre 92 et 93 %, mais persiste une desaturation a 87 % a l’effort. Discussion La principale complication pulmonaire de la drepanocytose est le syndrome thoracique aigu. Les autres complications chroniques sont l’hypertension arterielle pulmonaire et l’hypoxemie nocturne [1] . L’atteinte des muscles expiratoires n’est pas connue et n’a jamais ete decrite chez l’adulte. L’exploration des muscles respiratoires consiste a mesurer les pressions expiratoires et inspiratoires maximales par un manometre au niveau de la bouche. En condition physiologique, la PEmax est superieure a la PImax. Dans le cas de notre patient, la PEmax etait largement diminuee a 75 % de la theorique, sans baisse de la PImax ou des SNIP, orientant vers une dysfonction des muscles expiratoires. L’etude de Dougherty et al. rapportait une diminution de la force musculaire globale chez les enfants drepanocytaires par rapport au groupe controle, independamment de leur croissance ou de leur composition corporelle [2] . A partir de cette constatation, l’etude des pressions respiratoires realisee par Ong et al. chez 34 enfants de 6 a 19 ans atteints d’une drepanocytose homozygote sans symptomes respiratoires, mettait en evidence un deficit selectif des muscles expiratoires. Les PImax et les SNIP sont principalement determinees par la contraction diaphragmatique, alors que les PEmax sont determinees par la contraction des muscles abdominaux (le muscle transverse, les muscles obliques interne et externe, le muscle pyramidal et le muscle grand droit) et des muscles intercostaux. La difference de vascularisation du diaphragme, qui possede un reseau de suppleance important, par rapport aux muscles abdominaux et intercostaux, pourrait etre une des explications a l’absence d’alteration des PImax. En effet le diaphragme serait ainsi protege des episodes vaso-occlusifs repetes chez les patients drepanocytaires, et donc moins soumis aux phenomenes ischemiques musculaires [3] . Cette observation souligne l’importance d’une etude des pressions respiratoires chez les patients drepanocytaires lors de la realisation des explorations fonctionnelles respiratoires, d’autant plus que l’exploration electromyographique des muscles expiratoires est complexe. Conclusion La dysfonction musculaire respiratoire, et notamment expiratoire, est surement sous diagnostiquee chez les patients atteint de drepanocytose. Une meilleure connaissance de cette atteinte permettrait une prise en charge plus adaptee.
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