Prise en charge des enfants infectés par le VIH : progrès et défis liés aux traitements antirétroviraux

2016 
La majorite des infections par le VIH de l’enfant sont acquises par transmission de la mere a l’enfant en periode perinatale. Le fait que le systeme immunitaire des nourrissons soit « immature » par certains aspects et le fait que le virus transmis ait deja echappe au controle de l’environnement immunitaire maternel, genetiquement proche de celui de l’enfant, sont probablement responsables du risque important que l’evolution naturelle soit extremement rapide lorsque l’infection est acquise en tout debut de vie. En l’absence d’un traitement antiretroviral, la replication virale va en effet se maintenir a un niveau tres eleve pendant les premieres annees de vie chez tous les enfants et jusque 25% d’entre eux vont evoluer jusqu’au stade SIDA ou le deces durant leur 1ere annee de vie. L'utilisation des traitements antiretroviraux puissants actuellement disponibles permet de reduire drastiquement la replication virale et a profondement modifie le pronostic de l’infection par le VIH. D’une infection ineluctablement fatale, elle est devenue une affection chronique peu ou pas evolutive pour autant que le traitement antiretroviral soit pris de facon ininterrompue. Dans ce travail, nous presentons les resultats d’une etude prospective qui incluait les patients chez qui un traitement antiretroviral efficace etait debute pour la premiere fois. Nous avons pu demontrer que le nombre de lymphocytes CD4+ naifs etait d’autant plus rapidement reconstitue apres l’initiation d’un traitement antiviral que celui-ci avait ete debute jeune. Non seulement les patients restauraient leurs nombres de cellules CD4+, et leurs cellules CD4+ naives en particulier, mais des tests plus fonctionnels des lymphocytes (reponses lymphoproliferatives aux mitogenes) montraient egalement une nette amelioration sous traitement antiretroviral. Malgre cela, certaines anomalies, et en particulier l’activation des lymphocytes CD8+ persistaient apres un an de traitement.Dans une etude cross-sectionnelle ayant inclus 46 patients, nous avons ensuite demontre qu’un traitement antiretroviral de longue duree debute lorsque l’immunodepression est deja severe permet de recuperer des reponses lymphoproliferatives semblable a celles des progresseurs lents, y compris contre un antigene specifique du VIH ce qui n’est generalement pas le cas chez les adultes. Toutefois, des alterations dans la secretion des cytokines en reponse a un mitogene (la phytohemagglutinine) persistent, et la secretion de cytokines apres stimulation par un antigene specifique du VIH est biaisee vers une reponse de type Th2, montrant encore une fois que si les capacites d’immunorestauration des enfants sont tres importantes, des anomalies immunitaires persistent meme apres un traitement de longue duree lorsque le traitement est debute a un stade avance dans l’evolution de la maladie.Dans le contexte de l’absence d'espoir d'atteindre l'eradication du virus par la seule utilisation des drogues antiretrovirales, la caracterisation du phenotype des patients « non progresseurs » prend tout son sens. Nous avons donc axe notre travail suivant sur la caracterisation des patients chez qui la maladie progresse lentement et qui gardent une replication virale basse sans prendre de traitement antiretroviral. Ces patients ont une faible activation et une faible differentiation de leurs lymphocytes CD4+ et un profil particulier de reponses CD4 vis-a-vis de la proteine Gag du VIH.Enfin, la derniere partie du travail decrit les benefices de ces traitements lorsqu’ils sont administres tres precocement (dans les 2 mois apres la naissance) et le devenir a long terme de ces enfants en se basant sur la cohorte suivie au sein du CHU Saint-Pierre. L’histoire naturelle de l’infection par le VIH de l’enfant contamine par sa mere est en effet caracterisee par une evolution bi-modale. Trois quarts des enfants infectes vont avoir une evolution comparable aux patients infectes a l’âge adultes, mais le dernier quart aura une evolution beaucoup plus rapide menant au developpement d’une affection classant l’enfant au stade SIDA ou au deces dans la premiere annee de vie. De plus, a cet âge, il y a un large recouvrement entre les valeurs des taux de lymphocytes CD4+ des enfants qui vont evoluer rapidement ou plus lentement. Nous avons participe activement a la demonstration qu’un traitement antiretroviral tres precoce est tres bien supporte par les nourrissons, est capable d’empecher la replication virale de facon durable et reduit la quantite de DNA proviral intracellulaire prevenant de ce fait les manifestations cliniques ou biologiques de l’infection. Alors que les adultes infectes par le VIH expriment quasi toujours des anticorps contre le VIH, meme lorsqu’ils sont traites tres precocement par une tritherapie, les enfants traites precocement deviennent souvent seronegatifs. Ils perdent les anticorps specifiques contre le VIH transmis durant la grossesse mais n’en secretent pas par la suite, alors qu’ils peuvent les synthetiser des que le traitement antiretroviral est interrompu. Ces patients traites tres precocement ont un profil particulier caracterise par un systeme immunitaire non altere par l’infection par le VIH mais aussi par l’absence de defenses specifiques contre ce virus et un reservoir viral tres faible.
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