L’hyponatrémie, les examens paracliniques et l’interniste clinicien

2017 
Introduction L’hyponatremie, une anomalie hydro-electrolytique frequente, est un predicteur de mortalite et de morbidite ainsi que de surcouts des soins quelle que soit son degre. Divers consensus d’experts ont ete bases sur des etudes observationnelles et des principes physiopathologiques, mais le niveau de preuve des recommandations reste limite. Plusieurs etudes montrent que l’hyponatremie reste mal diagnostiquee et mal traitee. Des donnees de prevalence des formes severes et l’explicitation de la demarche diagnostique devant une forme particuliere d’hyponatremie chronique moderee nous donnent l’occasion de revenir sur les exigences de raisonnement et de decision pour l’interniste. Resultats Sur 71 131 hospitalisations d’adultes en une annee dans un centre hospitalier universitaire, l’incidence d’hyponatremies hypotoniques (osmolalite  n  = 441, 55 % femmes, âge moyen 68 ± 16  ans ). Un quart des cas concerne les secteurs de medecine interne et geriatrie ( n  = 110), autant que ceux d’urgences et reanimation ( n  = 105). Seuls 7 % ont des symptomes neurologiques severes sur le moment, sans lien avec le pronostic ulterieur (48 deces pendant l’hospitalisation, 36 dans l’annee qui suit). Le diagnostic reste approximatif : une normo/hypervolemie est affirmee 1×/2, une hypovolemie 1 × 5, le statut volemique est imprecis dans le reste des cas. Sodium et osmolarite urinaires ne sont mesures que 1×/5 et 1×/8 au moment de l’hyponatremie. Une cause formelle n’est etablie que dans 60 % des cas, dont syndrome œdemateux cardiaque ou hepatique 19 %, insuffisance renale 10 %, iatrogenie 10 %, syndrome d’antidiurese inappropriee (SIAD) par probable secretion d’hormone antidiuretique (HAD) 9 %, potomanie 3 %, deficit endocrinien 1 %. Le constat est severe, mais les recommandations de diagnostic et traitement de l’hyponatremie moderee (125–135 mmoL/L), 10 fois plus frequente, sont encore moins bien definies et suivies. Une femme de 65 ans est referee pour hypertension arterielle et hyponatremie moderee (125–130 mmol/L) persistant depuis plusieurs annees. Elle est asymptomatique, cliniquement euvolemique, sans œdemes. Hors tout traitement, l’osmolalite urinaire (335 mOsm/kg) est inappropriee par rapport a la valeur sanguine (262 mOsm/kg). Par ailleurs, la natriurie (102 mmol/L) et l’excretion fractionnelle (EF) de sodium (1,25 %), l’uricemie (153 mcmol/L) mais pas l’EF d’acide urique (9,3 %), l’EF (61 %) mais pas le taux sanguin d’uree (4,1 mmol/L), ainsi que l’absence de correction de la natremie par la restriction hydrique ou la perfusion de serum sale physiologique confirment l’absence d’hypovolemie. Il n’y a pas d’insuffisance renale, surrenale ou thyroidienne. Il pourrait etre conclu a ce stade a un SIAD [1] , mais la caracterisation de son mecanisme [2] demande la realisation d’epreuves dynamiques. Lors d’une charge en eau (20 mL/kg de poids) rapidement eliminee, l’osmolalite urinaire baisse a 88 mOsm/kg a la 3 e heure sans grande variation de l’osmolalite sanguine, demontrant la normalite de la capacite de dilution urinaire. De plus, la copeptinemie, un substitut valide du taux circulant d’HAD, baisse de 7,6 a 4,5 pmol/L pendant la charge en eau, et augmente a 19,1 pmol/L avec une perfusion de serum sale hypertonique a 3 % (0,1 mL/kg/min) pendant laquelle l’osmolalite atteint 283 mOsm/kg. Ces tests permettent de confirmer une relation lineaire entre osmolalite et copeptine, une pente de 1,31, et un seuil de secretion de copeptine a 271 mOsm/kg, tous caracteres correspondant au « reset osmostat » comme defini par Fenske et al. [3] . Il est interessant de noter que la soif (evaluee par echelle analogique) est apparue avec une osmolalite de 279 mOsm/L. La stricte absence de symptome et l’anciennete des signes biologiques font suspecter le caractere « idiopathique » de ce syndrome de « decalage de l’osmostat ». Sa demonstration permet de refuter toute prescription therapeutique, et notamment de restriction hydrique. Conclusion Au-dela d’examens biochimiques simples (sodium, osmolalite, creatinine, uree, urique dans le sang et l’urine) insuffisamment realises, la realisation d’une charge en eau et le dosage de la copeptine (ou de l’HAD) ne sont pas recommandes dans la prise en charge d’une hyponatremie. Il n’est habituellement pas necessaire d’identifier le syndrome de « reset osmostat », car il n’est pas specifique d’une cause (il pourrait representer 15 a 30 % des cas associes aux tumeurs), mais la prevalence des formes idiopathiques notamment chez le sujet âge est inconnue. En outre, doser la copeptine et caracteriser le sous-type de SIAD pourraient etre utiles lorsqu’une prescription de vaptan est envisagee.
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