Angine bulleuse hémorragique : une maladie rare, un diagnostic facile – à propos de 2 cas

2016 
Introduction L’apparition brutale de bulles hemorragiques dans la cavite buccale est une circonstance clinique inquietante. Cependant un court bilan biologique et l’experience du medecin peuvent permettre d’identifier rapidement une maladie dont l’evolution est spontanement favorable et les complications graves exceptionnelles. Nous presentons 2 observations de cette pathologie. Observation Cas n o  1 : une patiente de 45 ans aux antecedents d’alopecie androgenique, de troubles fonctionnels intestinaux et de migraines presente fin 2013 dans la cavite buccale des bulles tendues et moderement douloureuses, d’emblee hemorragiques, limitees a la muqueuse buccale (langue, palais, joues, levres), evoluant spontanement vers la rupture avec ecoulement hemorragique puis vers une erosion post-bulleuse cicatrisant sans sequelle en une semaine. Des episodes bulleux environ mensuels, souvent favorisees par certains aliments, persistent a bas bruit jusqu’au debut 2016 ou une bulle linguale importante apparait apres des soins dentaires. L’examen physique est alors sans particularite, notamment au plan cutane, ophtalmologique et genital. Les diagnostics de troubles de l’hemostase, de maladie de Rendu-Osler ou de pemphigoide cicatricielle sont initialement evoques mais infirmes rapidement. Le bilan d’hemostase est normal, les anticorps anti-peau et anti-transglutaminase sont absents. Devant l’aspect clinique typique, l’avis dermatologique confirme le diagnostic sans realisation de biopsie. La limitation de facteurs mecaniques d’agression de la muqueuse permet ulterieurement de diminuer la frequence et l’intensite des episodes bulleux. Cas n o  2 : une patiente de 46 ans aux antecedents de trouble bipolaire de l’humeur et de carence martiale recurrente sur des angiodysplasies ileales presente en 2013 un premier episode de bulles hemorragiques buccales. L’evolution est spontanement favorable en quelques jours sans recidive ni sequelle. L’examen clinique initial est normal, les lesions buccales ayant entierement regressees. Le bilan d’hemostase, la recherche d’anticorps anti-peau et de carence martiale sont negatifs mais une gammapathie monoclonale de signification indeterminee est diagnostiquee. La biopsie muqueuse est non contributive. Apres plus de 2 ans sans symptome, la patiente presente en 2106 un second episode de bulles hemorragiques, mais aucun facteur declenchant n’est identifie. L’evolution ulterieure est favorable sans recidive. Discussion Ces 2 patientes ont presente une angine bulleuse hemorragique (ABH) typique. Ce terme correspond a celui d’« angina bullosa hemorrhagica » dans la litterature anglo-saxonne. Il a ete retenu en 1967 pour nommer cette entite clinique rare, decrite pour la premiere fois en 1933 [1] . Ses caracteristiques cliniques sont stereotypees : bulles d’emblee hemorragiques, le plus souvent isolees, arrondies et bien limitees, d’un diametre d’environ 1 a 2 cm, parfois sensibles mais non douloureuses, pouvant toucher l’ensemble de la cavite orale, plus particulierement le palais mou. L’evolution naturelle est marquee par une rupture puis une cicatrisation avec restitution ad integrum de la muqueuse orale [2] . Un seul cas d’atteinte laryngee grave avec obstruction des voies aeriennes superieure a ete decrit [3] . La physiopathologie de cette pathologie est mal connue. Les facteurs favorisants sont l’âge, l’utilisation au long cours de corticoides inhales, la prise d’aliments durs ou croustillants ou le materiel d’orthodontie. Aucun traitement n’a demontre d’efficacite. Les diagnostics differentiels comportent essentiellement les troubles de l’hemostase et les maladies bulleuses atteignant les muqueuses (pemphigoide, pemphigus, dermatose a IgA lineaires, lichen plan bulleux). Un bilan de coagulation normal et l’aspect clinique typique sont suffisants la plupart du temps pour faire le diagnostic d’ABH. Lorsqu’elle est realisee, la biopsie d’une bulle montre un decollement sous-epithelial avec immunofluorescence negative. Les 2 cas presentes illustrent le caractere parfois recidivant des lesions d’ABH, rarement retrouve dans la litterature [1] . Conclusion L’ABH est une pathologie rare, mais benigne. La bonne connaissance de ses caracteristiques cliniques, associee a un bilan d’hemostase complet permet de retenir rapidement le diagnostic et de rassurer les patients.
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