Maladie de Takayasu : facteurs pronostiques, nouvelles stratégies thérapeutiques

2020 
La maladie de Takayasu (TAKA) est une vascularite inflammatoire chronique d’etiologie inconnue, touchant preferentiellement l’aorte et ses principales branches. L’inflammation vasculaire peut conduire a des stenoses, des occlusions, voire des anevrysmes arteriels entrainant ou non des symptomes cliniques. Ses manifestations cliniques sont tres variees et dependent du type de vaisseaux touches et du type de lesions (stenose ou occlusion), notamment au niveau de la crosse aortique, de l’aorte thoracique descendante, de l’aorte abdominale, des arteres renales, des arteres coronaires, voire des arteres pulmonaires et des lesions ischemiques secondaires. Du fait de la grande variabilite des lesions arterielles et de leur evolutivite, la recherche de facteurs predictifs d’evolution defavorable revet un caractere particulierement important. Peu d’etudes ont analyse les facteurs pronostiques defavorables et ont ete releves sur des etudes de petite taille ou avec un recul peu important : hypertension arterielle, retinopathie ischemique, insuffisance aortique, anevrysme arteriel, evolution progressive de la maladie, type V de la maladie. Patients et methodes Pour essayer de mieux cerner le pronostic a long terme et les facteurs pronostiques defavorables, nous avons mene une etude collaborative nationale francaise qui a permis d’inclure 318 patients ayant une maladie de Takayasu, d’âge median au diagnostic 36 ans, 87 % de femmes avec un suivi median de 6,1 ans, d’origine caucasienne (37 % des cas), d’Afrique du Nord (31 %), d’Afrique subsaharienne (24 %). Les principaux types de lesions arterielles etaient des stenoses (77 %), des epaississements (62 %), des anevrysmes (24 %) ou des occlusions arterielles (19 %). Resultats Au total, 178/318 (56 %) patients ont eu au moins un evenement « qualifiant » (complications vasculaires et/ou rechute et/ou deces). La survie globale sans evenement etait, a 1 an, 5 ans et 10 ans, de 75,6 %, 48,2 % et 36,4 % respectivement. La survie sans rechute etait, a 1 an, 5 ans et 10 ans, de 81,1 %, 58,6 % et 47,7 %. La survie sans complication vasculaire etait, a 1 an, 5 ans et 10 ans, de 90 %, 69,9 % et 53,7 %. En analyse multivariee, les facteurs significativement associes a une rechute etaient la presence d’une carotidodynie (HR : 2,36) et une elevation de la CRP (HR : 2,09). Les facteurs associes a une complication ischemique etaient l’evolution progressive de la maladie (HR : 2,03), une atteinte de l’aorte thoracique (HR : 2,74) et la presence d’une retinopathie (HR : 3,4). Ces donnees ont permis de definir un score clinique pronostique permettant de mieux identifier les patients a haut risque de complications (deces et/ou de complications vasculaires) si au moins deux des facteurs suivants etaient presents : maladie d’evolution progressive, atteinte de l’aorte thoracique et retinopathie. Pour la mortalite, les risques a 10 ans dans cette etude etaient de 5 % (versus 7 a 24 % dans la litterature). Un sur-risque de mortalite a ete retrouve chez les patients blancs, fumeurs et de sexe feminin. Quelle strategie therapeutique medicale Les donnees experimentales et une meilleure comprehension des mecanismes physio-pathogeniques sous-jacents ont revele un role important de l’activation des cellules dendritiques, amenant a une activation des cellules T et notamment une polarisation des lymphocytes Th1 et Th17. La voie Th1 mediee par l’IL12, l’IL18 et l’interferon Gamma, permet un recrutement des monocytes amenant a la production de cytokines pro-inflammatoires telles que TNF-Alpha, IL6, IL1-beta et aboutissant aux symptomes systemiques de la vascularite. La voie Th17 mediee par l’IL6, l’IL23, l’IL1-beta a egalement un role important, notamment pour le remodelage vasculaire, l’hyperplasie intimale et les stenoses ou occlusions vasculaires amenant aux symptomes ischemiques. L’utilisation d’une corticotherapie apparait encore indispensable (0,5 a 1 mg/kg/jour). L’association a un immunosuppresseur est fortement conseillee, meme si les donnees reposent essentiellement sur des etudes de petit effectif, avec des limites methodologiques importantes et des suivis peu prolonges. Les meta-analyses suggerent que l’ajout d’un immunosuppresseur conventionnel (methotrexate, azathioprine, cyclophosphamide, mycophenolate) a une corticotherapie permet d’augmenter d’environ 40 % les chances de mise en remission, et de diminuer d’environ 45 % le risque de rechute. Les donnees plus recentes collaboratives francaises suggerent que certaines biotherapies (anti-TNF, anti-IL6) amenent un benefice encore superieur puisque, comparees aux immunosuppresseurs conventionnels, le risque de rechute a 6 ans etait respectivement de 10 % versus 65 %. Dans une meta-analyse recente, les biotherapies etaient associees a une augmentation d’environ 36 % des chances de mise en remission et une diminution d’environ 70 % du risque de rechute. Enfin, la seule etude controlee randomisee japonaise comparant le tocilizumab (anti-IL6) a un placebo chez 36 patients a montre, apres un suivi de 3 ans, une diminution du risque de rechute (50 % versus 20 % ; HR : 0,41). En conclusion, la maladie de Takayasu est caracterisee par une morbidite importante. Un score pronostique permet de predire le risque de complications (retinopathie, forme progressive de la maladie, atteinte de l’aorte thoracique). Sur le plan therapeutique, a cote de la corticotherapie et des immunosuppresseurs conventionnels, plusieurs etudes recentes ont montre l’interet des biotherapies, notamment anti-TNF et anti-IL6. D’autres etudes en cours devraient permettre d’ameliorer encore le pronostic de cette vascularite systemique qui reste encore redoutable.
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