Conduite à tenir devant un cancer indifférencié mettant en jeu le pronostic vital

2017 
Introduction Devant une coagulation intravasculaire disseminee (CIVD), la decouverte d’un cancer n’est pas une situation exceptionnelle. Une biopsie des lesions permet le plus souvent de confirmer le diagnostic et le traitement du cancer permet de controler la CIVD. Parfois la situation est beaucoup plus difficile. Nous rapportons l’observation d’une femme presentant une CIVD severe faisant decouvrir des lesions suspectes diffuses pour lesquelles les biopsies ont ete tres difficiles, avec des resultats peu contributifs, mais chez laquelle un examen sanguin a permis une conduite a tenir therapeutique spectaculairement efficace. Observation Madame S, 54 ans est hospitalisee pour alteration majeure de l’etat general. Comme antecedent, elle ne signale qu’une hypothyroidie substituee. L’examen clinique retrouve une patiente febrile a l’etat general altere, sans porte d’entree infectieuse. Les examens biologiques montrent un syndrome inflammatoire important (CRP a 150 mg/L) et une CIVD severe necessitant un support transfusionnel quotidien. On retrouve une cytolyse hepatique et cholestase anicterique a 10 N, une elevation des LDH et de la ferritine sans autre argument pour un syndrome d’activation macrophagique. Le bilan infectieux est negatif. Le myelogramme montre une moelle riche envahie par 90 % de cellules de grande taille avec des marqueurs aberrants CD117+, CD36+, CD71+, CD61+, CD19+, CD56+, et CD45+ pouvant correspondre soit a des megacaryoblastes en faveur d’une leucemie aigue myeloide (LAM) de type 7, soit a un cancer solide indifferencie avec presentation anarchique. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien et l’IRM montrent de multiples lesions suspectes au niveau du rein gauche, du foie et des poumons ainsi qu’une embolie pulmonaire necessitant une heparinotherapie. Un PET-scan retrouve une fixation osseuse diffuse, associee aux lesions decrites sur le scanner. Les marqueurs tumoraux sont negatifs. Les chirurgiens et les radiologues refusent de realiser des biopsies de poumon et de rein du fait du risque hemorragique trop important. Des biopsies hepatiques sont tout de meme realisees et l’examen immuno-histochimique ne permet pas de trancher entre LAM7 et tumeur solide. La ponction biopsie osseuse n’apporte pas plus d’elements. L’etat de la patiente se degrade et la CIVD devient tres preoccupante, mais il est difficile de debuter un traitement sans diagnostic precis. Alors que le pronostic s’assombrit, la patiente nous rapporte un antecedent qu’elle avait omis de nous preciser, negligeant son interet. En 1995, c’est-a-dire 22 ans plus tot, elle avait ete operee d’un melanome lombaire Breslow 1.4 mm, Clark III avec exerese complete. Ces donnees n’ont pas permis aux anatomo-pathologistes de preciser leur diagnostic, les cellules tumorales n’exprimant pas de marqueurs melanocytaires. Cependant, une recherche de mutation de BRAF V600E dans le sang est demandee et revient positive. Une therapie ciblee anti-BRAF est immediatement debutee et permet la correction de la CIVD en quelques jours et une diminution des lesions de 22 % sur le scanner de controle a 2 mois. Le diagnostic le plus probable reste un melanome stade IV dans le contexte mais aucune preuve ne permet de le retenir formellement. Discussion Les mutations activatrices de BRAF sont frequentes dans de nombreuses tumeurs malignes tels les adenocarcinomes (thyroide, colon, poumon), melanomes, sarcomes et hemopathies [1] . Elles sont associees a un mauvais pronostic. Le statut mutationnel est habituellement recherche a partir de fragments tumoraux fixes, mais certains sites metastatiques restent inaccessibles, avec echantillon tissulaire necrotique ou non utilisable. Dans ce contexte, la recherche du statut mutationnel BRAF dans le sang en phase metastatique est une approche non invasive et facile, avec recherche sur de l’ADN libre circulant ou a partir des cellules tumorales circulantes. Ceci avec une bonne concordance entre tissu et sang. Les therapies ciblees anti-BRAF permettent alors d’augmenter la survie de ces patients. Conclusion Dans certaines situations comme celle de cette patiente, pour laquelle un diagnostic histopathologique de certitude n’est pas possible, la mise en evidence de la mutation BRAF dans le sang peut permettre l’instauration d’une therapie ciblee tres efficace.
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